Le légionnaire Jozef Tvarusko n'est pas mort des coups reçus de la part de ses supérieurs dans le cadre d'un exercice tactique à Djibouti, le 5 mai 2008,
le jeune soldat est mort d'un coup de chaleur, et de rien d'autre... Les accusations portées par la justice militaire contre le lieutenant Médéric Bertaud, cet officier du 2e régiment étranger de parachutistes rayé des cadres de l'armée après la mort du légionnaire, ne tiennent plus...
Le légionnaire Jozef Tvarusko n'est pas mort des coups reçus de la part de ses supérieurs dans le cadre d'un exercice tactique à Djibouti, le 5 mai 2008, de l'exercice Boûr Ougoul 2008, selon le rapport des experts médicaux. Ce document (également évoqué vendredi matin par Libération ) de quatre médecins experts (Pr Pierre Coriat, Dr Denis Barrès, Dr Gilbert Pépin, Dr Marceau Spithakis) est formel : le jeune soldat est mort d'un coup de chaleur, et de rien d'autre... Les accusations portées par la justice militaire contre le lieutenant Médéric Bertaud, cet officier du 2e régiment étranger de parachutistes rayé des cadres de l'armée après la mort du légionnaire, ne tiennent plus. Rappelons que l'accusé est mis en examen pour "acte de torture et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner", ce qui devrait logiquement le conduire devant une cour d'assises, avec le risque d'une détention à perpétuité. Le rapport d'expertise enregistré au bureau de la juge d'instruction auprès du tribunal aux armées de Paris, Florence Michon, le 4 décembre 2009 ne peut désormais plus faire l'objet d'une contre-expertise, le délai légal étant dépassé.
Sur le fond, on se souvient que Le Point avait révélé cette affaire le 11 novembre 2008, alors que l'armée de terre l'avait tue depuis la date des faits. Trois légionnaires avaient été renvoyés de l'armée (deux d'entre eux sont en fuite depuis) tandis que le lieutenant chef de section Médéric Bertaud était pour sa part placé en détention provisoire . Pour l'armée de terre et pour le ministère de la Défense, le jeune officier et ses hommes portent toute la responsabilité de l'affaire .
Vers une requalification des faits ?
Le rapport d'expertise médicale revient sur les traces de coups portés sur le corps de la victime, et évoque des "ecchymoses très superficielles" et des "infiltrations hémorragiques". Et précise :"Elles sont la conséquence de traumatismes superficiels, mais en aucun cas susceptibles d'avoir entraîné la mort et/ou d'avoir participé au processus du décès". Mais alors, pourquoi, et de quoi le jeune légionnaire est-il mort ? D'un "coup de chaleur d'exercice", affirment les médecins. Mais encore ? Il s'agit d'un phénomène qui se produit "au cours d'un effort musculaire intense et prolongé (...) Il est également appelé hyperthermie maligne d'effort. Il survient lors d'un exercice musculaire intense et prolongé chez des sujets souvent très motivés." L'avocat Alexandre Varaut, qui participe à la défense de Médéric Bertaud - très soutenu par un vaste réseau familial, amicalo-religieux et "militaro non légionnaire" -, avait estimé lors de l'instruction que la privation d'eau consécutive au vidage de la gourde de la victime ne pouvait pas être à l'origine de la mort. Les experts confirment : "Le décès ne trouve pas sa cause dans une déshydratation relative, mais dans un effort disproportionné aux capacités du sujet." Les médecins se gardent bien de relier directement les causes de sa mort à l'état de santé de la victime, mais suggèrent - avec les précautions d'usage - les conséquences d'un "exercice intense chez un malade très vraisemblablement en surpoids et mal entraîné".
Ce rapport conforte la défense de l'ex-lieutenant Médéric Bertaud, et trace sa feuille de route pour les étapes suivantes. Tout d'abord, obtenir la requalification des faits, avec l'abandon de l'incrimination de torture et barbarie. Dans l'hypothèse où les faits seraient appelés "coups et blessures", Médéric Bertaud échapperait à la cour d'assises. Logiquement, la défense fera dans tous les cas valoir que ce jeune lieutenant aux états de service sans doute prometteurs, mais très isolé et très inexpérimenté, n'aurait jamais dû être laissé seul à la tête de sa section dans des conditions climatiques aussi éprouvantes. L'absence de son sous-officier adjoint, et le rappel sur le terrain de Jozef Tvarusko, élément peu entraîné jusqu'alors affecté aux cuisines, ne sont pas de son fait, mais de celui de son supérieur. Une sérieuse confrontation juridique se prépare.
29/03/2010
Polémique sur la mort d'un légionnaire à Djibouti : au delà des passions (actualisé)
La mort du légionnaire Talas lors d'un exercice à Djibouti, le 5 mars 2008, et l'enquête judiciaire qui s'en suit, suscitent de nombreuses réactions souvent passionnées. Que peut-on en penser ?
1) Un homme est mort et c'est l'essentiel. Un jeune slovaque s'était engagé dans la Légion étrangère et, à ce titre, servait la France. Il est mort bêtement au cours d'un exercice. Ne l'oublions pas. Certains le passent un peu vite par pertes et profits, préferant, par corporatisme, s'indigner du sort d'un jeune officier frais émoulu de Saint-Cyr.
2) Un jeune officier, Méderic Bertaud, voit sa carrière brisée (il a été radié de l'armée de terre) et a connu la prison dans l'attente de son procès. C'est déjà beaucoup. Son comportement a-t-il entrainé la mort du légionnaire ? Nous n'en savons rien et c'est même pour cela qu'il y aura un procès, avec une instruction, des experts et des avocats de part et d'autres ! Laissons la justice trancher. En attendant, une chose est sûre : son comportement n'a pas été honorable. Un officier - c'est en tout cas l'idée qu'on s'en fait - ne doit pas insulter, frapper et priver d'eau l'un de ses hommes.
3) Ce drame est né de la rencontre de deux hommes, qui n'avaient peut-être pas leur place dans cette section du 2ème REP. Tous les témoignages le confirment : Talas n'était pas au niveau, il ne suivait pas. Quand au lieutenant, son comportement n'était pas celui que l'armée de terre attend de ses jeunes chefs de section. Le problème est donc le suivant : que faisaient-ils là tous les deux ? Ce n'est pas remettre en cause l'armée de terre que de s'interroger. Ont-ils été bien sélectionnés, bien formés, bien orientés ? Si l'on répond par l'affirmative, comment expliquer les faits ? Faut-il rejeter l'entière responsabilité sur le lieutenant Bertaud ? Ce serait une autre forme de corporatisme, aussi détestable que la première que d'affirme r: l'institution est par nature innocente et il n'y a que des brebis galeuses.
4) Un journaliste n'est pas un juge. Je donne des éléments sur une affaire dont nous ne nous pouvons espérer avoir tous les éléments que lors du procès. Lorsque nous donnons des informations, nous le faisons avec un seul souci : leur véracité et leur exactitude. Quant à l'effet qu'elles produisent, si on ne peut l'ignorer, il ne devrait jamais dicter la décision de les communiquer ou non.

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